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Le cimetière du couvent
poesia [ ]

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por [Jeanne_Neis_Nabert ]

2015-01-26  | [Este texto deve ser lido em francais]    |  Submetido por Guy Rancourt




Le sommeil de la nuit sur le sommeil des mortes
Déploie en soupirant ses voiles parfumés,
Le couvent a laissé tomber ses lourdes portes
Scellant ses murs épais sur tant de cœurs fermés

Le cimetière est là, dans sa paix surhumaine.
À l’ombre sur les croix montent des rosiers blancs,
Le vent dans les treillis embaume son haleine
Sur les bouquets neigeux des seringas tremblants.

Dans le soir un oiseau, posé sur une tombe,
Vient chanter pour bercer tristement à mi-voix,
Son nid d’amour caché sous la branche qui tombe
Et les vierges de Dieu qui dorment sous les croix.

Sous les croix où des fleurs élèvent le calice
De leur vase d’argent vers l’Immortalité
Comme si de ces corps montait en sacrifice
L’arome lilial de la virginité.

Ô toi, l’Inspirateur de tant d’ardeurs divines,
Toi qu’on cherche en pleurant et qu’on fuit tour à tour,
Ô grand Jaloux des cœurs, Roi couronné d’épines,
Céleste Conquérant de l’Éternel Amour !

Comment révèles-tu les beautés souveraines ?
Puisque tu peux séduire as-tu donc une voix,
Viens-tu nous visiter sous tes formes humaines,
Es-tu l’homme divin cloué sur une croix ?

Peut-être ont-elles vu, pâles contemplatives,
Durant les nuits de doute où leur cœur se lassait,
Cédant aux longs appels des amantes plaintives,
Paraître un Christ vivant dont la main caressait.

Il leur parlait d’amour, les conviait à suivre,
Dans l’ombre de la Foi, son fantôme adoré
Jusqu’à l’heure de vie où la mort qui délivre
Puisse les unir à leur Époux sacré.

Qu’Il m’apparaisse à moi ! qu’Il vienne et me relève,
Ô divin Séducteur montre-moi ta beauté…
Christ, oh ! dis-moi, dis-moi si nous sommes le rêve
Toi la réalité ??

Car je voudrais dormir comme vous, vierges fortes,
Malgré la voix des sens mon esprit tourmenté
S’arrête avec effroi devant les grandes portes
De l’Immortalité.

Et si je fuis vos lis et vos roses mystiques,
À l’ombre de vos croix gardez mon cœur perdu,
Moi qui vais chancelant de désirs nostalgiques
Vers cet amour humain qui vous est défendu.

1902

(Jeanne Neis Nabert, alias Sijenna, Humble moisson, 1903, pp. 46-48)

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